Ou comment l’autre bout du monde est aussi aux prises avec le concept de durabilité...
Dieter Grimmelprez, COO de Vanheede, a sillonné le Pérou en septembre avec sa famille. Un voyage que les Grimmelprez attendait avec impatience depuis des années. Ils l'ont fait pour la culture péruvienne, mais aussi pour les montagnes sauvages et les paysages exotiques, les papillons, les aras et les loutres géantes. Leur voyage les a conduits des Andes à la forêt amazonienne.
« Outre un voyage des plus intenses, ce fut également un moment de réflexion », explique Dieter. Le Pérou fait partie d'un continent marqué par les extrêmes : des gens sympathiques et une nature à couper le souffle, mais aussi une corruption rampante et un commerce illégal d'or et de bois qui détruit tant la population que la nature. Mais la confrontation avec le réchauffement climatique l’a profondément marqué!
Nous allions réfléchir à la question et revenons à présent sur les aspects relatifs à la durabilité de cette incursion de trois semaines.
Comment avez-vous été confronté concrètement au réchauffement climatique en Amérique du Sud ?
"Le paysage de l'Amérique du Sud est en grande partie déterminé par la forêt amazonienne et les Andes. Les Andes, avec des sommets culminant à près de 7000 mètres d'altitude, forment une épine dorsale qui traverse le continent du nord au sud.
L'eau de la fonte des glaciers au sommet est la source de nombreuses petites rivières, qui finissent presque toutes par rejoindre l'Amazone. Elles approvisionnent l'ensemble du continent en eau. Les Andes constituent donc un organe vital du continent sud-américain.
Au cours des dernières décennies, les glaciers des Andes ont fondu beaucoup plus rapidement qu'ils ne se sont formés. Le Pérou a perdu 61 % de ses glaciers en 55 ans."
Quelles en sont les conséquences pour la vie péruvienne ?
"Au cours de notre périple dans les Andes, nous avons sillonné de petits villages ruraux où l’agriculture est la seule source de revenus de la population locale. L'eau provenant des montagnes et des glaciers est essentielle à leur existence. Les rivières sont de plus en plus souvent sèches pendant une longue période de l’année et dans certains cas, il n’y a tout simplement plus d’eau ! Il n'y a ni conduites d'eau ni châteaux d'eau...
La population essaie d'utiliser chaque goutte d'eau avec parcimonie. Ils utilisent, par exemple, surtout des eaux usées recyclées pour rincer les toilettes. Mais cela ne suffit pas. La jeune génération ne voit pas de solution et s'en va. D'abord à Lima, où il y a des industries et donc du travail."
Dans quelle mesure la nature en souffre-t-elle ?
"Cette évolution est aussi fort notable dans le paysage. Notre guide nous a dit que la faune et la flore étaient bien plus riches il y a 10 à 15 ans. Le paysage s'assèche et de nombreuses espèces de plantes disparaissent. Tout l'écosystème est perturbé, ce qui cause également l'extinction de nombreux papillons, oiseaux et autres espèces animales. Nous avons vu moins de papillons que prévu et les espèces animales spéciales, comme la loutre géante, se raréfient. Quelques degrés de plus font une nette différence."
Peut-on y changer quelque chose à court terme ?
"On pourrait aménager des systèmes d'irrigation. Mais ce n’est qu’une goutte d'eau dans l'océan et c'est loin d'être une solution à long terme. De plus, en raison de la corruption, les investissements ne sont pas réalisés dans les zones rurales, mais uniquement dans les grandes villes, où vivent d'ailleurs la plupart des Péruviens."
Outre le réchauffement climatique, d'autres pratiques ont des effets néfastes sur la faune et la flore péruviennes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
"Notre voyage nous a conduits à Puerto Maldonado, une petite ville dotée d’un aéroport en bordure de l’Amazone. Une excursion en bateau sur la rivière Tambopata nous a permis de pénétrer plus en profondeur dans la forêt amazonienne.
Nous sommes entrés en contact avec l'exploitation forestière illégale. La plupart des bois tropicaux provenant d'ici sont illégaux. Nous avons vu des arbres de plus de 500 ans. Des arbres qui étaient déjà là quand Colomb a découvert l’Amérique... Au mieux, ils sont sciés en planches, au pire, ils finissent en bois pour barbecue. La nature met toutefois beaucoup plus de temps à se régénérer que ce que l'on pense. On dit que la réparation de ces dommages pourrait prendre plusieurs milliers d'années.
Et comme si cela ne suffisait pas, l'orpaillage est intensif le long des rivières de la forêt amazonienne. En termes de durabilité, l'extraction de l'or est extrêmement néfaste. Le sous-sol est pompé et filtré en profondeur dans l'espoir d'y trouver des pépites d'or. Pour couronner le tout, on ajoute quantité de mercure pour permettre aux copeaux d'or de s'agglutiner en pépites d'or. Celles-ci sont plus faciles à tamiser dans le sable."
Qu'advient-il au juste du mercure utilisé dans le processus ?
"Le mercure se retrouve en masse dans les rivières. Les gens entrent également en contact avec ce produit hautement toxique par le biais des poissons et autres animaux vivant dans l'eau. Parmi les quarante espèces de poissons présentes en Amazonie, seules deux sont encore comestibles. Lors des Jeux olympiques de Rio, les véliplanchistes furent avertis des risques auxquels ils s'exposaient en tombant dans l'eau."
Comment la population locale réagit-elle ?
"La population locale en est très consciente. Ils n'y sont pas insensibles et veulent le meilleur pour la nature, ils n'y peuvent cependant pas grand-chose. Les gens essaient, en dépit de la corruption rampante, de mener une vie aussi normale que possible."
Pouvons-nous changer cela ?
"Tout ceci se produit à un rythme effréné. On n’a jamais autant extrait d'or et d'argent en Amérique du Sud qu'en 2018. La situation actuelle ne peut laisser personne indifférent. Nous sommes partis avec une image idyllique en tête, mais nous revenons avec une vision plus large.
Vous voudriez bien y remédier, mais il est hélas difficile de changer les choses tout seul ou dans l'immédiat. Et puis vous songez : commençons par nous. Et accélérons la transition que nous avons déjà entamée. Continuons à être le leader du recyclage et de la connaissance des matières premières. Ce n'est que comme ça que nous parviendrons à montrer le bon exemple au reste du monde. Sur le plan personnel, j'y réfléchirai dorénavant à deux fois avant d'ouvrir un sac de charbon à bois pour le barbecue..."
Quelle leçon le secteur de la production et de la transformation peut-il en tirer ?
"Depuis mon enfance, mes parents m'ont appris à trier à la source : à la maison, nous séparions soigneusement nos déchets en pas moins de 13 flux différents et cela au début des années 70, alors que personne n'y faisait vraiment attention. C'est donc devenu une seconde nature. Et heureusement, on s'aperçoit qu'il en va de même pour de nombreuses personnes à travers le monde. Mais malheureusement, je vois qu'en dépit de tous nos efforts, nous nous laissons distancer. Nous n'en faisons clairement pas assez.
On dit qu'une personne devient moins radicale avec l'âge. Chez moi, c'est tout le contraire à cet égard. Avant, je pensais que les mouvements environnementaux radicaux qui manifestaient dans les rues avaient tendance à exagérer. J'avais ma propre petite idée ; je trouvais que l'on en faisait assez et j'ai continué à affiner nos techniques de recyclage. Au fil des ans, j'ai cependant constaté qu'accélérer le mouvement ne nous ferait pas de tort. Même si dans notre société on nous rappelle quotidiennement que le monde va mal, on reste trop souvent dans sa bulle. Cela va beaucoup plus vite qu'on ne le pense et il faut faire encore beaucoup mieux pour préserver nos matières premières et l'écosystème. Il est important d’utiliser les ressources avec parcimonie et de ne pas les prendre pour acquis."
"Vanheede doit faire sa part dans l'histoire. La production de plastiques augmente de manière exponentielle, avec 7 fois plus de plastiques produit qu'il y a 30 ans. Dans le monde entier, moins de 10% de cette quantité est actuellement recyclée. Nous avons besoin d'un recyclage meilleur et beaucoup plus rapide. Il ne suffit pas de faire mieux qu'un petit pourcentage par rapport à l'année précédente. Nous devons investir beaucoup plus rapidement dans les processus de recyclage et les innovations, tout en prenant conscience que nous devons gérer les matières premières avec parcimonie. Cela vaut non seulement pour les plastiques, mais également pour d'autres matériaux, y compris ceux renouvelables."
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